La réforme des retraites vient de passer au Parlement comme prévu. Comment aurait-il pu en être autrement, quand on songe que malgré le vote défavorable à l’adoption de la constitution européenne en 2005, le traité de Lisbonne est entré en vigueur en 2009 ? Si une majorité de plus de quinze millions d’électeurs n’est pas parvenue à se faire entendre, comment une minorité de trois millions de manifestants l’aurait-elle pu ? Ce ne sont ni l’intervention des casseurs ni l’autoritarisme de Sarkozy qui sont responsables de cet échec, mais tout simplement le fait de s’être, une fois de plus, trompé d’échelle et de cible.
Je m’interroge, pour ma part, sur les conditions de riposte populaire, voire de révolte, au sein de cet étrange assemblage politique que représente aujourd’hui cette Europe dirigée par une coalition que représente en France le PS et l’UMP (et des partis similaires dans les autres sous-préfectures) Une Europe du chapeau de laquelle ne pourront jamais sortir que des « gouvernements » d’exécutants. Non pas des gouvernements autoritaires, comme Sarkozy voudrait nous le faire croire du sien, mais simplement des gouvernements de sous-traitants.
Ne savions-nous pas tous, en effet, que la réforme des retraites était une commande européenne, parmi d’autres ? A mon sens, d’ailleurs, elle n’est pas la pire quand je vois l’état des écoles ou des hôpitaux publics. Nous savons tous qu’un patronat mondialisé a mis sous tutelle les Etats, en utilisant de surcroît le jeu démocratique qui ne permet plus de poser son cul sur les sièges stratégiques qu’à l’un ou l’une de leur représentant. Comment espérer, dès lors, qu’à un niveau national une solution puisse être envisagée, alors que ledit pays n’a plus de poids ni sur la monnaie qu’il utilise (je n’arrive même plus à dire sa monnaie), ni sur son industrie menacée à tout moment par les délocalisations, ni sur sa culture en passe de devenir un patchwork sans passé, héritage ni tradition, ni, allons jusqu’au point où ça fait très mal, sur sa propre langue, qu’un étudiant bosseur issu de n’importe quelle université du monde utilise mieux que la majorité de ses natifs ? Et que penser des partis qui illusionnent la jeunesse en lui faisant croire que la prise de décision a encore un avenir à cette échelle-là ?
Je ne comprends toujours pas pourquoi, depuis que cette question européenne est sur le tapis, les syndicats des divers pays concernés n’ont pas tenté de surmonter leurs mésalliances et leurs désaccords pour au moins une fois, une seule fois, essayer d’intimider le grand patronat sur des sujets vitaux, en donnant sa chance à l’ébauche d’un accord à propos du commencement d’une lutte commune… Pas une fois ! Il y a de quoi se poser des questions sur la nature des stratégies adoptées – aveuglement, cynisme ou collaboration ?
Je me dis, pour conclure, que si le net devait servir à quelque chose, ce devrait bien être à cela : permettre l’éclosion d’une véritable intersyndicale européenne, plutôt que d’encourager ces défilés nationaux lamentables parce que voués à l’échec, où l’on perd son temps, ses forces et son argent à se compter en ruminant de vieux chants et en maugréant de vieilles colères contre les nantis et les flics. Une intersyndicale européenne ? On m’objectera que c’est une utopie, certes ! Je crois néanmoins qu’en terme d’utopie, mieux vaut se nourrir de celles qui se nourrissent de la probabilité d’un futur, plutôt de que celles qui se gargarisent du passé.
Solko
Tableau de François BOUCHER (Louvre), « Europe se faisant enlever par ZEUS déguisé en taureau ».
Il existe la Confédération Européenne des Syndicats (European trade union confederation) ; je pense en effet que la lutte contre les capitalistes destructeurs de nos retraites serait de son ressort.
RépondreSupprimerLes utopies sont toujours plus gratifiantes que la résignation.
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