dimanche 17 octobre 2010

PLACE DU MARCHE NEUF

Il bougonne, sent le tabac froid, humilié du mégot. C’est à peine si vous le voyez. Vous passez à côté, vous l’avez tué.

On est mercredi, il le sait. Place du Marché neuf, il recherche la vie. Il parle dans le vide. Laissez-le parler.

Il est aussi flétri que les fleurs qu’on trouve après le marché et que des vieilles dames au dos rond comme les chats ramassent sans hâte.

Il flaire la vie, il fait si bon dormir pas trop loin d’elle, juste à côté, au cas où elle l’appellerait, on ne sait jamais.

On n’entend plus sa voix dans les maisons, elle ne touche plus les cœurs. Elle vous a frôlé sur le trottoir, demandé du feu. Vous n’avez pu faire autrement que lui en donner.

Il est dans l’ombre de votre vie. Attend les miettes qui en tombent. Vous avez peur de ses mains, de ses yeux qui ne demandent rien.

Vous pensez que ce n’est pas de cette façon qu’on est un homme. Vous n’êtes plus sûr de vous dans ses yeux, vous vous sentez sale dans ses mains.

Vous avez peur qu’il vous demande autre chose.

Il attend que le soir arrive pour croire au lendemain. Que lui avez-vous laissé ? Vous l’avez tué.

Il ne sait plus rire. Il mange furtivement. Il dort furtivement. Il recherche la vie un peu partout, au hasard des rencontres.

Vous ne vous souvenez plus de lui car il n’est pas le seul à avoir ce visage de nuit, cette démarche sombre, ce costume.

Vous lui avez rendu la vie impossible. Vous l’avez tué.

Oh ! ce n’est pas votre faute, encore moins la sienne, mais il a appris silencieusement à fuir, de partout, loin de tout.

Il finit vos restes de vie, il grignote, Place du Marché Neuf, mercredi.

On ne le remarque plus, on s’habitue.

Il parle.

Laissez-le parler.

Vous l’avez tué.

Pascale Arguedas Photo ©Pascale Arguedas

1 commentaire:

  1. DEFORESTATION

    Les killer un par un
    Prend vraiment beaucoup de temps
    Faut aimer le tourisme
    En eaux saumâtres
    Sept milliards moins un
    Encore beaucoup de marches
    Avant d'atteindre le fond de la cave
    Invente donc le génocide
    C'est plus d'actu
    Ou plus tendance au choix
    Highway to nowhere
    Sans s'arrêter aux feu-follets
    Verres qui ricanent
    En décrescendo de soie
    En string façon panthère
    Ou en blow up parfumé
    Au kérosène halluciné



    soit dit en passant, "il recherche la vie un peu partout,au hasard des rencontres", ça a des réminiscences de "il cherche son pareil dans le voeu des regards" (ho, attention, ça ressemble presque à un compliment^^)

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