L’été polonais est vraiment caractériel. Après des 35 degrés étouffants, voilà la fraîcheur automnale qui s’installe pour un temps, balayant les paysages d’un grand coup de pinceau d’aquarelle, gris, humide et venteux. Pour vous qui enseignez, disons que ces paysages ressemblent alors plus à une rentrée qu’à une sortie vers les grandes vacances.
Et je rebondis donc, comme on dit en un curieux langage, sur ce que vous évoquiez, dans un sourire effleuré, la semaine dernière : l’éducation nationale est un lieu où on s’occupe encore un peu de l’homme, à l’instar, peut-être, du secteur santé.
Mais il est vrai qu’il y a bien longtemps que je ne sais plus exactement ce qui se passe – tout comme ce qui ne se passe pas – en ces respectables citadelles de l’éducation.
Fils de pauvre, pour ne pas dire fils de rien, mon destin social était tout tracé, on ne discutait pas avec les étoiles de la ségrégation sociale : atelier de menuiserie, de peinture en bâtiment ou derrière le cul des vaches, avant qu’un instituteur ne pointe son doigt sur ce garnement turbulent et déjà révolté mais qui, apparemment, semblait présenter quelques dispositions intéressantes pour la lecture, l’écriture et l’histoire, quoique hermétiquement fermé au calcul de la vitesse, de l’heure de départ respectif de deux trains qui se croisent et aux robinets qui fuient.
Ah, si vous vous occupez de tout, dans ce cas-là, vous devez certainement avoir raison…
Mes copains, eux, mes amis, mes frères de vie, disaient que c’étaient là des conneries qui ne servaient à rien. On allait au bal ensemble, le samedi et le dimanche, embrasser les filles ou faire le coup de poing, ça dépendait, et ils avaient l’avantage sur moi d’avoir toujours un sou en poche, fruit de leur labeur hebdomadaire, alors que moi, je n’avais jamais rien. Normal, tu travailles pas, qu’ils rigolaient en m’offrant généreusement à boire et mes entrées sous le Tivoli.
Ils avaient raison aussi. Plus tard, intoxiqué par quelques théoriciens mal lus parce qu'écrits pour être mal lus, me voilà embarqué à renier l’intellect et à glorifier tout ce qui semblait ne pas y participer. Je dis bien « semblait »… Jusqu’à aller travailler en usine, comme un curé en mission, presque.
Depuis, je n’ai fait que ça.
Mais, au fait, qu’est-ce que je leur dois, au juste ?
Hum….Que très partiellement alors.
Bien amicalement
Bertrand
Illustration : Avant-concert, à Poznan
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