vendredi 5 novembre 2010

LES DIX STRATEGIES DE MANIPULATION DE MASSES

Piochées sur le site de Jean-Louis Millet (qui ne faisait, comme nous, que relayer ce texte à l'origine incertaine), ces Dix stratégies de manipulation de masses attribuées à Noam Chomsky.

*

1/ La stratégie de la distraction

Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles ».

2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions

Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple : laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.

3/ La stratégie de la dégradation

Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.

4/ La stratégie du différé

Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge

La plupart des publicités destinées au grand public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas âge ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles ».

6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…

7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles ».

8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…

9/ Remplacer la révolte par la culpabilité

Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution !

10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes

Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.

Anonyme

16 commentaires:

  1. Ce texte attribué (je ne sais par qui) au savant et linguiste Chomsky, m'a paru si simpliste que j'ai d'abord pensé à un gag de Non de Non. Puis j'ai fait des recherches et voici ce que j'ai trouvé, que dit Jean Bricmont, (co-auteur avec Chomsky de "Raison contre pouvoir, le pari de Pascal") :

    (...) Noam Chomsky et Ed Herman, co-auteurs de "La fabrique du consentement" (éd. Agone, 2008) ne suggèrent jamais qu’il y a quelque part une organisation cachée qui « manipule les masses ». Ils montrent qu’il existe un certain nombre de filtres, liés à la propriété privée des médias, à la nécessité de la publicité, à l’action de groupes d’influence etc., qui ont pour résultat que la vision du monde véhiculée par les médias est extrêmement biaisée, mais tout cela fonctionne un peu comme l’idéologie chez Marx, un processus sans sujet.
    Curieusement, il est d’une certaine façon rassurant de penser qu’il existe des manipulateurs conscients qui, parce qu’ils le dirigent, savent au moins où va le monde. Malheureusement, il y a bien des relations de pouvoir, des mensonges et des biais idéologiques, mais il n’y a pas de pilote dans l’avion.

    Jean Bricmont

    http://www.legrandsoir.info/A-propos-des-dix-strategies-de-manipulation-de-masses-attribue-a-Noam-Chomsky.html

    RépondreSupprimer
  2. Vouas avez raison, Michèle : l'origine peu claire de ce texte me dérangeait mais je n'avais pas réussi à savoir si Chomsky en était vraiment l'auteur ou non. Je corrige donc tout de suite l'intitulé.

    Quant au côté simpliste, oui, nous l'avions aussi noté. Ce texte est basique, pas approfondi, c'est vrai, mais il met le doigt où il faut, et en ces temps troubles et troublés, il n'est jamais inutile de rappeler que ce genre de stratégies (ou de pratiques, ou de tendances, comme vous voulez) existent.

    SB

    RépondreSupprimer
  3. Désolé, j'ai beau m'interroger, je ne vois pas ce qu'il y a de simpliste dans ce texte. Ce qui est simpliste, et néanmoins formidablement efficace sur le court terme, c'est le fonctionnement actuel de nos sociétés, très justement décrit par ce texte aussi court que bien senti.
    Ayant comme nombre d'entre nous vécu de très près l'évolution du fonctionnement des entreprises privées et publiques, je me dis qu'il serait peut-être temps, pour les brillants intellectuels qui considèrent comme simplistes les explications simples de phénomènes simples, de se demander par exemple pourquoi consommation, publicité et communication, malgré leur effarant simplisme, fonctionnent si parfaitement bien…
    Pour ma part, je me demande encore comment une théorie aussi ridiculement et tragiquement simpliste que l'ultra-libéralisme a pu rencontrer pareil consensus auprès notamment de ceux dont elle organise l'esclavage, et comment une carrière politique aussi grotesquement, désespérément et délibérément simpliste que celle de Nicolas Sarkozy a pu lui permettre de devenir président!

    RépondreSupprimer
  4. Le simplisme (= la simplification à outrance) est dans le fait, précisément, que cette liste de dix points pourrait nous sembler un texte. J'ai employé le mot. Vous avez employé le mot.
    De quoi est constituée cette liste de dix points ?
    Les points 1, 5 et 7 sont des extraits de "Armes silencieuses pour guerres tranquilles". Regardez sur le Net, vous y lirez que c'est un document daté de Mai 1979, trouvé le 7 Juillet 1986 dans un photocopieur IBM acheté à une vente de surplus militaire. On croit ou pas ce qu'on lit sur le Net, vaut mieux vérifier les sources, en tout cas, heureusement, "on" ne dit pas que c'est du Chomsky.
    Pour les points 2, 3, 4, 6, 8, 9, 10, il n'est fait mention d'aucune source. On ne sait pas d'où ces phrases sont extraites.
    Et on attribue le tout à Noam Chomsky !
    Premièrement, je ne sais pas vous, mais moi, Chomsky je m'y reprends à plusieurs fois pour suivre sa pensée.
    Ensuite, je ne sache pas que Chomsky ait pensé un seul instant et encore moins, donc, écrit que "les élites dirigeantes détenaient toute la connaissance sur l'humain apportée par la biologie, la neurobiologie et la psychologie appliquée et qu'ainsi se creusait le fossé entre les connaissances des élites dirigeantes et celles du public".
    Vous leur prêtez cette science, vous, aux "élites dirigeantes" ? Ce n'est pas sérieux, celui qui a aligné ces inepties se moque du monde.
    Et s'il croit sincèrement avoir puisé cela dans Chomsky, eh bien il peut relire.

    Essayez d'aller sur le lien que j'indique, ce n'est pas Chomsky qui s'explique, c'est Jean Bricmont, avec qui travaille Chomsky.

    Pour le reste, je suis comme vous, je m'interroge sur la capacité des humains à supporter le simplisme tragique ou la tragédie simpliste de l'ultra-libéralisme.

    RépondreSupprimer
  5. Personnellement, cette histoire de photocopieur acheté à une vente de surplus militaire dans lequel on retrouve des informations ultraconfidentielles me semble fort louche, tout aussi louche que le fait de faire dire à Chomsky des choses qu’il n’aurait pas dites.
    Difficile de s’y retrouver dans cet imbroglio.
    Par contre, il est certain

    - Que Chomsky apparait comme une référence indiscutable quand il s’agit d’analyser le fonctionnement de nos sociétés d’une manière critique. Le fait qu’on fasse référence à lui en lui attribuant des paroles qu’il n’aurait pas dites prouve donc qu’un mouvement de contestation existe bien dans l’opinion, mais que ce mouvement n’est pas structuré. Il cherche en fait une figure de proue pour être le porte-parole de ses idées.

    - Que ce texte nous permet de remettre sur le devant de la scène le groupe de Bilderberg, qui lui existe bel et bien. Que des groupes occultes comme celui-ci régissent les destinées du monde (au profit de quelques-uns) de fait aucun doute. Il suffit de lire dans la liste qui suit les personnalités qui en font partie pour se rendre compte à quel point le jeu de la démocratie est faussé. En effet, on retrouve là des personnalité politiques de premier plan (issues de partis qu’on nous présente pourtant comme antagonistes) ainsi que des ténors de la presse et de la télévision. Rien d’étonnant donc, quand on voit cela, que quel que soit le parti au pouvoir (une droite fière d’elle-même à la Sarkozy ou une pseudo-gauche molle de type socialiste), la politique menée reste sensiblement la même. http://www.syti.net/Organisations/Bilderberg.html

    En conclusion, je dirai qu’il m’importe peu de savoir si les dix commandements dont il est ici question sont ou non de Chomsky. Ils ont l’avantage de présenter de manière claire (même simpliste, je veux bien l’admettre) ce qui se passe sous nos yeux et comme Alain Sagault je m’étonne surtout du peu de réaction de la population devant le démantèlement de la démocratie et la mise à sac de tout le système de sécurité sociale.

    RépondreSupprimer
  6. Je ne dirais pas qu'il y a peu de réactions de la population. Les manifestations qui se reconduisent et les mouvements de grève jusqu'à la limite du possible, témoignent du contraire.

    Qu'on n'arrive pas à grand chose et que le pouvoir ne recule pas montre que ce n'est pas aussi simple qu'on veut bien le dire et il ne manquerait plus que la responsabilité en soit rejetée sur "la population qui ne bougerait pas".

    RépondreSupprimer
  7. Oui, mais un mouvement de cette ampleur est rare. Ceci dit, même si finalement il a échoué, il a du moins permis de faire comprendre à nos dirigeants que l’opposition peut exister et que si tout le monde se lève en même temps, cela peut faire du dégât.

    Malheureusement les gens sont souvent résignés et prêts à accepter à peu près tout pour sauver le minimum. Je parlais hier avec un retraité qui trouvait normal que les salaires diminuent pour assurer la compétitivité. Il a beau jeu de parler, lui, avec sa retraite fixe qui tombe tous les mois ! Il disait en substance que les belles années étaient terminées et qu’il fallait s’adapter, accepter de travailler plus, plus longtemps et de gagner moins, sinon on ne serait jamais compétitifs par rapport à d’autres. Il pensait à la Chine, qui fabrique à peu près tout ce que nous consommons. Je lui faisais remarquer que ce serait une erreur de tout accepter, que le jour où la caissière de Carrefour acceptera de gagner 200 euros de moins pour que cette chaîne de magasin reste concurrente par rapport à Cora, Auchan ou Champion, il est certain que dans les six mois les salaires dans ces magasins seront à leur tour revus à la baisse.

    En attendant ces sociétés font de plantureux bénéfices et on ne voit pas pourquoi se serait uniquement à ceux qui y travaillent de supporter le poids d’un système économique injuste et qu’on nous a présenté comme étant la panacée.

    Depuis toujours les états avaient tenté de protéger leur économie par des mesures contraignantes (taxes, droits de douane, etc.) La libre circulation du marché qu’on nous impose aujourd’hui implique en soi que tout le monde va se déchirer.

    Le contrat social, disait Rousseau, visait à permettre aux hommes de vivre ensemble, autrement dit à trouver de l’intérêt à vivre ensemble. Celui qu’on veut nous faire signer aujourd’hui (et qu’on nous impose malgré les référendums négatifs) revient à autoriser une minorité fortunée à exploiter le plus de monde possible.

    RépondreSupprimer
  8. J'entends deux choses dans vos commentaires, Michèle : la dénonciation du caractère « simpliste » de ce texte d’une part ; la dénonciation de son ineptie d’autre part.

    Sur le premier point, je suis d’accord avec vous : les stratégies présentées dans ce texte mériteraient d’être mille fois plus détaillées. Notamment la n°8 qui, énoncée en une phrase, n’a guère de consistance.

    Après, je suis moins d’accord avec vous sur la valeur et la portée de ce texte. Oui, il est simple – simpliste – mais nous nous trouvons aujourd’hui à une époque ou même les vérités les plus simples ne sont même plus entendues et doivent être rappelées. Je suis très en phase avec ce que dit Feuilly sur ce point. Quand Sarkozy nous explique le plus sérieusement du monde qu’il n’a pas été élu pour écouter les Français mais pour prendre les décisions qu’il juge lui les meilleures sans qu’aucun des grands médias généralistes ne prenne la peine de se redemander ce que veut dire le mot « démocratie », on se dit qu’on est à fond dans le simplisme. Quand on entend un Jacques Attali nous parler de rigueur alors qu’il sait très bien – mais oublie de dire – que cette rigueur, de toute façon, ne sera ni pour lui ni pour ses proches, et que là encore, aucun journaliste sérieux ne lui pose la question de savoir quand, lui, Attali, il commencera à se l’appliquer, cette rigueur ? Ces exemples là pourraient être multipliés à l’infini. Lorsque le bon sens à disparu, il faut tout reprendre à zéro, quitte à repartir du plus simple.

    Où je suis de nouveau d’accord avec vous, Michèle, c’est sur cette idée que les dix stratégies énoncées peuvent donner l’idée d’un « complot » très clairement réfléchi d’élites très clairement définies : la réalité est sans doute plus complexe que cela. Mais je suis aussi convaincu que tous les zozos qui nous dirigent ou qui détiennent l’essentiel du pouvoir et de l’argent ne sont pas non plus de grands naïfs. Sarkozy sait très bien ce qu’il fait quand il s’assoit sur la démocratie ; et Attali sait très bien ce qu’il fait lorsqu’il parle d’une rigueur qui ne le touchera pas (et qui lui servira peut-être même, au contraire, à préserver ses avantages). Ils savent très bien ce qu’ils font et ils savent très bien que le peuple est tellement aveugle que même ces tours de passe-passe basique et grossiers sont maintenant gobés presque sans mot dire.

    D’accord, il y a eu les grèves… 70 % des français, paraît-il qui s’opposaient à un Sarkozy qu’ils ont élu à plus de 53 %... Ces chiffres me laissent songeurs… Et dès que Sarkozy a haussé le ton pour briser les grèves dans les raffineries, le pourcentage des satisfaits a regrimpé en flèche… Et c’est là que je suis peut-être le plus en désaccord avec vous Michèle, lorsque vous écrivez : « il ne manquerait plus que la responsabilité en soit rejetée sur "la population qui ne bougerait pas". ». Et pourtant c’est ainsi : la population a le président qu’elle mérite. Je vais même aller plus loin : Sarkozy, Attali et tous leurs amis ont parfaitement raison d’agir comme ils le font car ça marche ! Pourquoi se priveraient-ils ? Pour moi, le problème ce n’est pas Sarkozy (qui a su trouver la faille du système et qui vit sa vie de petit despote en toute impunité) : le problème ce sont ceux qui votent pour lui et qui font son lit.

    Bref… Stratégies simplistes, peut-être, mais qui ouvrent la porte au débat, ce qui n’est pas si mal…

    RépondreSupprimer
  9. Je retrouve dans le Verbatim de Jacques Attali, à la date du 1er avril 1983, cette note : « entrée en vigueur de la retraite à 60 ans. Je rêve d’une société où le travail serait devenu si intéressant que la revendication principale porterait sur un recul de l’âge de la retraite ». Bien, bien…

    Et en date du 5 avril (même année) « Et maintenant, il faut tirer les conséquences de la dévaluation pour la préparation du budget 1984 : stabilisation des effectifs de la fonction publique et réduction de 10% des programmes d’équipement. Les ministres vont réagir. La rigueur n’est pas une parenthèse ; c’est une politique ».
    Rien de bien nouveau sous le soleil...
    Sarkozy continue cette politique, en bon exécutant d'une feuille de route européenne.
    Quand cesserons-nous de perdre nos forces et notre temps avec des sous-préfets ? Il y a là, aussi, une belle manip du pouvoir qui éparpille les forces de la contestation, au moment même où celles-ci auraient besoin de s'attaquer aux vrais centres décisionnaires.

    RépondreSupprimer
  10. @Stéphane,
    Sur la forme : vous dirai-je que si j'ai réagi vivement au simplisme de ces 9 points (le 10e est absurde : les puissances financières et les politiques n'ont pas la science infuse, ils ont les moyens c'est tout ; les données scientifiques ne pénètrent pas davantage les "élites dirigeantes" que le corps social), c'est parce qu'ils mont séduite d'emblée et que j'ai trouvé cela suspect ?

    Sur le fond : le candidat Sarkozy avait dit qu'il préserverait le droit à la retraite à 60 ans. Il a trompé ses électeurs (dont je ne fais pas partie).
    Dans l'Athènes de l'âge classique, il existait une procédure démocratique pour écarter les magistrats qui mentaient au peuple, ou le trompaient, ou agissaient contre son intérêt ou sa volonté : la peine d'ostracisme.

    Le peuple n'est pas une abstraction, c'est un agrégat contradictoire d'intérêts, de passions, de représentations subjectives et symboliques qui interréagissent avec des réalités économiques, sociales, culturelles, etc.
    Légiférer, réglementer, orienter l'avenir ne peut être entrepris dans une démocratie sans l'assentiment du peuple dans sa réalité concrète, c'est-à-dire en tenant compte de ce qui garantira le mieux son progrès moral, sa cohésion sociale, l'émancipation de tous par l'éducation la meilleure, la sécurité de tous face aux inégalités de classe, aux pénalités diverses de la vie...

    La démocratie dans ses formes institutionnelles a été bafouée. Elle se trouve aujourd'hui revivifiée par la révolte du peuple qui gronde : grèves, manifestations, protestations partout...

    RépondreSupprimer
  11. La réaction de Michèle vient je crois d'abord de l'origine douteuse de ces arguments. je partage en partie son trouble.

    Prenons par exemple des slogans écrits sur un mur : certains s'en attribuent carrément la paternité, d'autres les signent d'un nom reconnu et prestigieux, comme si le penseur venait de passer par là et s'était mis en tête de badigeonner le mur de ses pensées. Cela peut surprendre, mais je préfère encore ceux qui se l'attribuent, pour peu qu'ils lui donnent une extension personnelle (et l'écrire sur un mur en est une... Le lieu où on l'inscrit n'est pas anodin, sa fréquence, sa visibilité etc...) Le tort ici était de signer Chomsky, sans indiquer la moindre source, ou une source qui n'indique pas ses sources. Mais je trouve que les commentaires rattrapent l'erreur et donnent à ces emprunts une consistance, trouvent d'autres murs où les inscrire, d'autre voies de réflexion.


    Ensuite, Chomsky n'est pas si complexe que ça. Comme tous les penseurs, il sait précisément atteindre à une simplicité d'expression, d'exposition, il sait partager. On juge fréquemment ses arguments simplistes, précisément, outre-atlantique. Présenter "La guerre comme politique étrangère des Etats-Unis" par exemple,pour prendre le livre que j'ai sous les yeux, fait hausser beaucoup d'épaules, à commencer par celles de nos intellectuels qui vont jusque le traiter de révisionniste. (Bricmont insiste longuement, en préface, sur le fait que dans un pays comme La France, un penseur comme Chomsky ne pourrait pas s'exprimer.) Et pourtant, si ses analyses sont très nourries, ce livre tient tout entier dans ce simple titre... Argument unique du livre. Idée fixe. ( Je ne parle pas de pensée unique, mais d'une seule idée, récurrente, et qui trouve dans la réalité une infinité de développements.)

    Maintenant, sur ces histoires de complot, re-voilà le spectre fasciste, qui interdit d'employer ce mot sans passer pour un paranoïaque. Mais les maîtres du monde s'organisent, c'est indéniable, leurs organisations existent. Quant à savoir ce qu'ils ont dans le cigare, hein, le savent-ils eux-même?... Probable effectivement qu'ils se font eux aussi pas mal d'illusions quant à leur pouvoir réel, qui semble de peu de poids pour contrer, par exemple, le crash qu'a connu la Grèce, il y a peu, et nous-même par voie de conséquence. Un effondrement économique décidé, si je ne m'abuse, par une poignée d'investisseurs à la fin d'un repas, qui ont simplement désigné ce pays comme on choisit un bon digestif.

    Quant à descendre dans la rue et le fait d'avoir le président, le pays qu'on mérite... Eh bien justement, comment se fait-il qu'aucun de ces mouvements, même quand ils prennent une ampleur suffisante pour déstabiliser un gouvernement, ne s'affranchisse jamais des organisations syndicales. Il y a là une soumission incompréhensible, à des organisations qui sont aux affaires (c'est ce que signifie "partenaires sociaux, non?), et qui le sont quelque soit le pouvoir politique.

    Pour prendre un exemple précis, à l'époque des Assédics, c'est la CFDT qui gérait les allocations chômages, décidait de leur montant, de leur durée etc... et pas le gouvernement. Les syndicats sont des gestionnaires, dans tous les domaines d'activité, ou même, empaffés! de l'inactivité humaine. Il faudra bientôt s'encarter et montrer patte blanche pour se tourner les pouces! Alors pourquoi un despote dans le style de Sarkozy ferait-il marche arrière devant une meute qui marche non pas avec mais derrière des organisations qui lui mangent dans la main?

    RépondreSupprimer
  12. Merci, Stéphane Prat, de la mise au point sur la pensée politique de Chomsky. Chomsky est essentiellement pour moi, celui qui posait la question de la grammaire, qu'est-ce que c'est une grammaire ?
    J'ai transposé, à tort sans doute, dans d'autres domaines... me montrant donc moi aussi, réductrice (mystificatrice ?). Au temps pour moi.

    RépondreSupprimer
  13. Oh, je suppose que son travail de linguiste transparaît aussi dans ses écrits politiques. Simple ne signifie pas pauvre. Il ne s'adresse pas à des singes savants, mais ne s'en exprime pas moins dans un langage clair, précis et direct, et les exemples qu'il prend sont circonstanciés, concrets. Il retrace les événements, les conflits, en décortiquant les discours politiques, journalistiques qu'ils génèrent ou qui les génèrent. Je ne dis pas que la compréhension de sa thèse est aisée, mais qu'il suffit de savoir lire pour y prétendre...

    RépondreSupprimer
  14. Débat nourri, ce qui ébranlerait presque (provisoirement!) mon scepticisme quant à l'utilité réelle des discussions intellectuelles. Autant pour moi!
    Quant à savoir si tel texte est ou non de Chomsky, dans ce contexte c'est éventuellement utile, mais dans un premier temps ce sont avant tout les idées présentées qui m'importent. J'ai assez pratiqué l'exégèse minutieuse des textes à la mode universitaire pour avoir appris à la laisser à sa place de détail au service de l'essentiel.
    Simplisme, populisme: les mots en -isme me donnent des boutons. Leur emploi relève la plupart du temps d'une manipulation plus ou moins consciente visant à dévaloriser toute tentative pour démythifier pouvoir et savoir installés, ou à s'exonérer de l'action au motif commode de l'insoluble complexité de la situation. Simplisme, c'est le mot qui sert aux prétendus experts pour récuser toute autre approche que la leur. Or si les détails sont toujours complexes, l'essentiel est toujours assez simple. Et se juge notamment sur pièces, aux conséquences!
    Ce qui m'amène à la notion de complot, exemple typique d'un débat sans grand intérêt: qu'une organisation secrète oligarchique gère en sous-main le monde ou non, le fait est que les hommes de pouvoir et de profit se reconnaissent des intérêts communs et agissent non dans l'intérêt général mais pour le "bien" et les biens de leur caste.
    Un livre récent a très clairement et précisément mis en lumière l'importance de ce phénomène en France.
    Deux citations pour conclure à ce sujet, de façon simple et nullement simpliste:
    « La grande masse du peuple, intellectuellement incapable de comprendre les formidables avantage que tire le capital du système, portera son fardeau sans plainte et peut-être sans s’imaginer que le système est contraire à ses intérêts »
    (lettre des frères Rotschild, adressée le 25 juin 1863 À Mrs Ikelheimer, Wall Street).

    Warren Buffet: « Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner. »

    RépondreSupprimer
  15. « Simplisme, c'est le mot qui sert aux prétendus experts pour récuser toute autre approche que la leur ». Vous avez parfaitement raison, Alain, et cette réalité est encore plus importante à prendre en compte de nos jours où les notions d’« expert » et d’« expertise » occupent de plus en plus de place dans les esprits. Idée que pour émettre un avis intelligent sur une question il faudrait aujourd’hui être un expert. Ainsi, parler de la réalité économique, de la question sociale, de la démocratie, du droit, etc. ne serait plus à la portée de tout le monde, mais serait l’apanage de quelques experts qui, comme par hasard appartiennent tous à une même catégorie (ou classe ?) sociale qui n’a rien de populaire...

    Que le quidam moyen s’insurge contre les inégalités sociales, contre l’injuste répartition des richesses, on lui répond qu’il ne comprend rien à l’économie mondiale, au système global et que ses récriminations sont non seulement puériles mais totalement dépassées. Bin tiens !

    Car après l’accusation de « simplisme », l’autre insulte qui attend toutes celles et tous ceux qui pensent que d’autres idéaux, d’autres principes d’humanité sont possibles c’est celle qui dit que leurs récriminations datent d’un autre âge, d’un autre monde : qu’ils ne sont pas réalistes et que leurs idéaux sont périmés. On ne peut pas restés accrochés à des modèles sociaux et économiques, à des acquis qui n’ont plus lieu d’être, ne cessent de nous répéter Sarkozy et ses lieutenants (alors qu’en même temps ils vont se prosterner sur la tombe d’un général qu’ils présentent comme étant toujours leur modèle alors qu’il est mort depuis quarante ans). Là aussi, on est dans des schémas qui n’ont rien de simplistes bien qu’ils soient très « simples » à comprendre.

    RépondreSupprimer
  16. C'est bien ainsi que les représentants des administrations en tout cas s'adressent aux aides-à-domiciles notamment, aux chômeurs...


    Devant nombre de conseillers, j'ai honte mais pour eux pas pour moi.

    Ils me parlent comme si j'étais stupide, mes ex- employeurs du centre-ville aussi d'ailleurs.

    je sors du pôle-emploi par exemple où je me risque le moins possible avec une envie non pas de me tirer une balle dans la tête mais le regret de ne pas avoir mis une grosse baffe à mon interlocuteur ou trice

    Dans le milieu médical, ça m'arrive aussi...

    librellule

    RépondreSupprimer