A l’occasion de la publication de son recueil de poèmes Chœur des contraires aux éditions du Petit Véhicule, Michel L’Hostis a accepté de répondre à quelques questions.
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NON DE NON : « La poésie, c’est le chœur des contraires » écris-tu. Je te connais assez peu, mais j’ai l’impression que ce « chœur des contraires » c’est aussi toi que, d’une certaine manière, il désigne : ce mélange de force physique et d’extrême douceur qui te caractérise, cet équilibre toujours à reconstruire entre le plus profond désespoir et la plus positive des énergie. Le « chœur des contraires », pour toi, c’est presque une philosophie de vie ?
MICHEL L’HOSTIS : Oui, le « Chœur des contraires » est exactement cet équilibre toujours à reconstruire entre le plus profond désespoir et la plus positive des énergies et c’est donc aussi une philosophie de vie.
Cet équilibre est atteint grâce à la réunion des contraires. Pour cela, je disperse les sens. Je crée une nouvelle disponibilité des vocables, sacrifie leur image statique au profit d’une destination équivoque.
Je (Le poète qui écrit) deviens (t) donc un funambule qui vacille entre les contraires, par exemple la nudité du poème et son contraire pour réaliser l’alchimie du quotidien.
Le but est de créer l’harmonie (dont parle très bien René Char (« Fureur et mystère ») pour faire se rapprocher plus encore poésie et vérité.
Il est donc bien question d’équilibre. On voit parfois les mots s’exalter dans le texte à la mesure du désir qu’ils recréent (désir du poète, désir du lecteur) et donc du lien qu’ils mettent en place. Là les mots ont un pouvoir de guérison, car dans le « Chœur des contraires » les désirs s’épanouissent.
Ainsi, le poète bâtit son paysage de la langue qui ressuscite le désir d’être et par conséquent nous met face à la vérité de l’être, notamment en construisant la femme (la page et la feuille étant souvent l’autre, de même que ce que désignent les mots et ce à quoi ou à qui ils s’adressent). La langue, de même que le recueil et l’œuvre deviennent l’autre corps, celui de l’être désiré.
C’est pourquoi j’ai écrit cette phrase : « Un poème est réussi quand on a l’impression qu’il a des bras qui attendent que le lecteur s’y laisse tomber ».
L’un et le multiple aussi se réconcilient dans le poème. Entends par là le moi et l’universel, et le mystère, si cher aux poètes, est préservé.
Le lecteur mesure alors le pouvoir de guérison des mots eux-mêmes qui lui permettent alors d’opérer lui-même l’analogie. L’universelle analogie si chère à René Char.
NDN : Ton écriture, qui mêle habilement poèmes en strophes et aphorismes est assez originale. D’où te vient-elle ? Quels sont tes maîtres en poésie ?
MLH : D’où me vient mon écriture ? Quels sont mes maîtres en poésie ?
Mon écriture me vient de l’enfance. J’ai eu la chance d’être un enfant précoce et de me construire à travers les mots.
Elle me vient aussi de l’adolescence où j’ai construit mon identité en lisant les poètes. Baudelaire, Tristan Corbière, Rimbaud, Verlaine, Mallarmé, Apollinaire mais aussi Breton, Max Jacob et beaucoup d’autres.
Après la dépression que j’ai faite à 21 ans, j’ai décidé d’être plus lisible, moins hermétique et je ne cache pas que Jacques Prévert, Eluard et Francis Ponge ont une grande importance pour moi. René Char aussi. Pour moi les années 1950 sont la clé de ma poésie.
René Char mélangeait poèmes et aphorismes. Jacques Prévert aussi. Peut-être est-ce lié à l’admiration que j’ai pour ces poètes.
Mais ce n’est pas la seule réponse. Partant du constat qu’un mot surprenant vaut plus qu’une dictée de mots, fut-elle dictée du ciel ou de l’inconscient, je m’efforce d’écrire avec des mots lisibles. Prévert et Gainsbourg sont mes maîtres.
Mes autres maîtres sont Louis Dubost, René Daumal, Jean-Pierre Lesieur, Richard Brautigan, Claude Vercey, Alain Wexler et Michel-François Lavaur pour l’amitié qu’il me donne (Nos âmes sont semblables). Mon ami Eric Simon aussi. Un autre de mes maîtres était Jean-Claude Koutchouk (+).
NDN : Dans plusieurs de tes poèmes on sent qu’il existe en arrière plan un Michel L’Hostis malicieux, facétieux, doué d’un réel sens de l’humour. Est-ce une dimension que tu envisages d’explorer plus finement un jour ?
MLH : Oui, j’ai le sens de l’humour mais le sens de l’humour tel que le définissait Gainsbourg. « L’humour est la politesse du désespoir » écrivait-il. Mélange de tendresse et d’amertume ou le désir rebondit sur la beauté pour nous enchanter, telle est la toile de fond de mon humour.
En fait, mes mots nomment les choses, ces choses reprennent leur place chez le lecteur avec les codes de tendresse et d’imaginaire qui le sauvent. Je cherche dans la langue comme je disais tout à l’heure les jeux d’analogie qui réconcilient avec cette matière qui nous entoure qui a pu se révéler douloureuse à un moment ou à un autre. Pour moi, çà a été une dépression.
D’où l’importance de l’humour que je n’ai pas pour autant l’intention d’explorer plus finement. Je le garde en demie teinte car j’ai peur qu’il s’évanouisse un jour. J’y tiens et c’est pour çà qu’il ne m’a pas abandonné pour l’instant.
NDN : Enfin, quels sont tes projets pour l’avenir ?
MLH : Mes projets pour l’avenir sont :
1) De finir la pièce de théâtre que j’ai commencé à écrire en juillet In puris naturabilis. Le premier jet de cette pièce, dont les personnages sont : le mot, le verbe, la virgule, le poète et la lune sera joué à la salle Vasse (dans le hall) le 15 décembre prochain.
2) De prendre le tournant que j’évoque dans le titre de cette pièce de théâtre In puris naturabilis pour ma poésie vers plus de dépouillement, vers une nudité enfin exprimée.
3) De terminer mes recueils : Soliloque d’un après-midi de janvier, Poésie entière, poésie totale et ma Lettre à un amour imaginaire.
4) Je suis invité à Lyon pour une lecture dans les mois qui viennent.
5) D’écrire, toujours plus écrire, peut-être faire glisser mon œuvre dans l’universel après avoir réuni le moi et l’universel, mais de garder la direction que j’ai prise de mélanger poèmes et aphorismes.
6) Terminer mon roman qui a pour titre : Sur un air de Serge Gainsbourg.
7) Enfin, rencontrer la femme dont il est question dans Lettre à un amour imaginaire.
8) Et cerise sur le gâteau, pourquoi pas faire connaître mes aphorismes et maximes à un large public.
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