mardi 11 mai 2010

QUELLE POLEMIQUE POUR LE MONDE ACTUEL ?

Toute polémique a besoin pour jaillir de deux éléments : un grand sujet, un beau style :
Or de grands sujets, il n’en demeure plus guère, hormis peut-être l’espèce d’uniformisation qui s’est abattue sur le monde, contre laquelle des esprits de tous bords se sont dressés ça et là en vain depuis plusieurs décennies, et qui, ayant déclaré « la fin de l’Histoire », vise à imposer de concert :
- Une monnaie unique et mondiale, contrôlée par une banque supranationale, sur laquelle les peuples n’auraient plus droit de regard, et qui redistribuerait à chacun un portefeuille virtuel, dans un monde dont toute richesse aura fini par être extirpée
- Un dieu œcuménique, né de l’improbable association de temples, églises, loges, qui feraient mijoter et vivre ensemble sous la mièvre loi du respect et de la tolérance athées, bouddhistes, chrétiens, hindouistes, musulmans (je suis l’ordre alphabétique pour ne heurter personne), le tout dans l’effacement de toutes les traditions séculaires.
- Un gouvernement efficace, c'est-à-dire confié à des experts et à des techniciens tour à tour chef d’État ou patrons de banques centrales, afin de gérer le commerce des entreprises comme celui des particuliers par le crédit, l’art et la culture des institutions comme des individus par la simple consommation industrielle. On peut sentir en sa fibre humaine une espèce de révolte contre cette organisation effroyablement efficace, qui rappelle comme le souligne une métaphore désormais souvent employée la logique du « rouleau compresseur ». Mais comment agir ? Tels ces avions bloqués au sol tandis que le nuage du volcan crache sa fumée inexorablement dans le ciel, les individus ressassent leur rancœur en la laissant se répandre inutilement par les sentiers que le système (encore) a organisé pour cela : alcoolisme, prostitution, divertissements et jeux de hasard… Quant aux grandes manifestations populaires, si elles effrayaient le patronat français en 1936, qui craignait, comme le soulignait sa presse à l’époque, « que le peuple de France devînt bolchevick », en quoi peuvent-elles impressionner les maîtres du monde contemporains qui sont prêts à retirer un à un tous les acquis sociaux véritablement libérateurs, dès lors que ne demeure aucune opposition solide au néo libéralisme dominant ?
La parole, peut-être… La polémique ? C’est compter sans la police de la pensée ainsi que ses nombreux relais médiatiques et associatifs, qui mirent progressivement sur pied ce qu’Orwell fut le premier à identifier comme une véritable novlangue, laquelle a empli nos dictionnaires de ses euphémismes doux, et systématiquement démembré la rigueur de la syntaxe. Pour remplacer la langue qui permettait la polémique, de rusés sémiologues se sont mis à nous entretenir depuis quelques décennies du langage de l’image : Car l’image en effet, grâce à l’immédiateté qui la caractérise, permet bien plus facilement que le mot de faire oublier l’arbitraire du signe, et d’entretenir dans l’esprit des gens une saisissante confusion entre la réalité et sa représentation médiatique. Avant d’être significative, l’image est d’abord communicante. Ainsi est-ce une sottise de prétendre qu’une image puisse être réellement polémique.
Aussi est-ce avec ce langage là, et dans cet alphabet parfaitement inoffensif que le brave new word a choisi de se raconter nuit et jour dans le monde entier. Sans grand sujet. Et sans beau style.
Mais avec une force de persuasion sans précédent dans l’histoire des hommes.
Solko

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