dimanche 23 mai 2010

ENUMERATIONS POETIQUES 2/2

Lectures :

Je lis les routes et les fossés. Je lis les traces des nuages. Je lis la piste du jour qui passe. Je lis la piste de chaque fuite. Je lis les croûtes, les plaies, les cicatrices. Je lis l’ombre de mon chien. Chaque bouture et chaque branche. Les trous, les creux, les noeuds, les bosses. Les escargots collés aux planches. Les litanies d’insectes collés aux vitres. Je lis l’affection des fenêtres. Les marques d’un corps dans les draps. Je lis les cendres et les miettes. La crasse sous les ongles et la piste blanche des larmes sèches. Je traduis les rébus cachés au fond des ombres. Je lis mes peurs chaque soir. La colère et la honte dans mes silences gênés. Je peux lire mon reflet à chaque fois que les autres se trompent, se mentent, se volent, s’affrontent. Je sais lire dans l’orgueil, le mépris, le désenchantement. Je peux lire mon histoire chaque fois qu’un mur s’écroule ou qu’une fourmi se marre. Je peux lire la flamme qui prépare la fuite. Capsules, goulots, pailles, feuilles, buvards, pastilles. Dans la perte je cache toutes mes petites prières. Je peux lire la crevasse où se cache la lumière.

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Communication :

Je cause au caillou dans ma chaussure, au chien qui bave sur les coussins, je cause aux ridules et aux rhizomes, je cause à la suie et à la sciure, je cause au découvert de ma banque, aux champignons sur le tas de compost, à mon tartre et mes poils de barbe, aux traces sur ses petites culottes, je cause au moucheron dans mon verre, aux moineaux qui boulottent les cerises, à l'écureuil prés des poubelles, au vieux bousier qui pousse sa bouse, je cause au pollen dans mes narines, à l'odeur de son oreiller, au tas de linge sale dans le garage, aux fourmis dans une carcasse, à la corde à linge détendue, au bois qui blanchit sous la pluie; aux têtards et aux arachnides, aux dessins prés du téléphone, aux vieux livres que je ne lis plus, je cause aux fils blancs dans le ciel, aux matins de pluie sans lumière, aux essuie-glaces de ma voiture, aux enfants qui te font des doigts, aux vieux qui sentent la friture, aux poules aux carpes aux crapauds, aux boules de pétanque rouillées, aux vieux mégots qui se consument, aux pissenlits dans les pavés, aux gouttières aux moustiques, aux amibes aux nuisibles, aux bouteilles dans les ruisseaux, aux vieilles chaussures abandonnées, aux cantonniers aux boulangères, aux pieds de tomates et aux caissières, aux nuits sans étoile et sans lune, à l'haleine chaude du brouillard, à la mousse des bords de fleuve, aux lombrics et au bois pourri, aux bouquets de fleurs attachés aux platanes sur le bord des routes, à ma mère à ta sœur, au plombier au facteur, à la cuvette tiède de mes chiottes, mais paraît-il je suis misanthrope...

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Thomas Vinau

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