jeudi 23 septembre 2010

REMARQUES EN PASSANT : A

REMARQUES EN PASSANT

ABECEDAIRE

Par Alain Sagault

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Quelques citations de mise en bouche avant le plat de Résistance :

« C’est en gardant le silence alors qu’ils devraient protester que les hommes deviennent des lâches »

Abraham Lincoln.

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« Quelle plaie que le sens politique quand il vient affaiblir le feu de la morale ! »

Philippe Bilger, pour une fois bien inspiré

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« Opprimer le peuple afin qu’il serve son seigneur, c’est comme s’arracher un morceau de chair pour s’en remplir la panse », disait au septième siècle de notre ère l’empereur de Chine Taizong (626-649).

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« L’ennemi numéro 1 de tout État est l’homme qui est capable de penser par lui-même sans considération de la pensée unique. Presque inévitablement il parviendra alors à la conclusion que l’État sous lequel il vit est malhonnête, insensé et insupportable, ainsi, si cet homme est idéaliste il voudra le changer. S’il ne l’est pas, il témoignera suffisamment de sa découverte pour générer la révolte des idéalistes contre l’État. »

Henry Louis Mencken (1880-1956) – Journaliste, écrivain et libre penseur, l’un des écrivains américains les plus influents du 20e siècle

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« Je prie que l’on excuse le ton sérieux où je me suis laissé entraîner. J’aime mieux sourire que déclamer ; mais il y a des gens qui ne laissent pas toujours le choix, et qui, à l’occasion, rendraient sinistre l’homme le plus gai de la terre. »

Alphonse de Calonne, Noblesse de contrebande

AAA

AAA ! Ça sonne comme un éclat de rire, mais surtout comme un aveu d’impuissance, pire, comme un renoncement complice. Qu’après la crise des subprimes les gouvernements n’aient pas fait le plus petit effort pour remettre en cause la mondialisation financière, sans prévoir une seconde qu’ils donnaient ainsi un blanc-seing aux spéculateurs et abdiquaient le pouvoir pour le remettre aux banquiers, signant ainsi la fin de toute forme de démocratie, donne une idée claire de la nullité crasse et de l’invraisemblable degré de corruption des prétendues élites contemporaines.

Que des gouvernements supposés démocratiquement élus acceptent sans broncher d’être notés par des officines privées dépourvues de toute éthique et notoirement associées depuis des décennies aux pires magouilles financières et à la spoliation organisée des peuples, cela donne une idée du merdier dans lequel nous nous trouvons.

Et que lesdits peuples n’aient pas encore fait la révolution donne une idée de notre lâcheté et de notre paresse, de notre aveuglement volontaire et de notre sourde volonté de demeurer esclaves.

ABSTRACTION

Aucun peintre digne de ce nom ne peut ignorer qu’en fin de compte l’abstrait figure toujours quelque chose, quand ce ne serait que la matière. Si d’une manière ou d’une autre l’abstraction n’évoque pas les lois qui mettent en forme la vie, elle n’est même pas abstraite, elle est aussi dépourvue de sens, c’est à dire d’émotion et de réflexion, qu’un monochrome.

ABUS

En bon bourgeois, je me suis toujours efforcé de n’abuser qu’avec modération.

Voir DÉCENCE.

ARMÉE

Toute armée me semble en comporter deux, bien distinctes, celle du temps de paix et celle du temps de guerre.

En temps de paix, et d’autant plus que la paix dure, se cristallise une armée de militaires. La guerre alors est interne, entre bureaucrates, épousant les subtilités hiérarchiques et les influences politiques, pour produire à terme une armée dont l’ordre apparent résulte d’une routine timorée et dont le calme trompeur dissimule mal la paresse et les divisions. La force armée se fige en force d’inertie.

En temps de guerre, les militaires, qui sont incapables de la faire, ou du moins de la gagner, laissent à contrecœur la place aux soldats, c’est à dire aux vrais guerriers, dont le nombre et l’influence augmentent d’autant plus que se prolonge la guerre.

Ainsi naissent ces armées de soldats que le retour de la paix rend dangereuses, parce qu’elles ne sont pas faites pour maintenir l’ordre à l’intérieur mais pour porter le chaos chez l’ennemi.

Il peut arriver qu’un militaire sous la pression des circonstances se découvre soldat, mais il est bien rare qu’un soldat devienne militaire. Sa raison d’être, la guerre, le rend inapte à la paix, qui n’est aux yeux du vrai soldat qu’un chômage débilitant, presque déshonorant.

Aucune de ces deux armées ne l’emporte jamais tout à fait, car tout en étant radicalement antinomiques elles ne peuvent exister l’une sans l’autre. Elles coexistent donc selon des proportions variables dépendant du contexte plus ou moins paisible ou guerrier.

Les militaires sont détestables, mais il en faut. Les soldats sont parfois admirables mais pas trop n’en faut.

ART

Ce qui caractérise à mes yeux l’art contemporain officiel, c’est son incroyable absence d’exigence et de rigueur. La plupart des artistes en vogue actuellement se satisfont de bien peu. Un baratin pompeux de vendeur de râpes à fromage leur tient lieu de pensée, des trucs d’amateur ou une structure industrielle leur épargnent la nécessité d’une technique, la déclinaison paresseuse de concepts systématiques remplace avantageusement le développement et l’évolution d’une recherche.

Suffit qu’ils sachent renifler le vent dominant, et que leur « résilience » leur permette de barboter à l’aise dans le marigot des tendances académiques. L’important est que l’originalité programmée se substitue à la toujours dangereuse fantaisie personnelle, que le cynisme et l’astuce permettent de trouver la « valeur » ailleurs que là où elle est réellement, dans l’éthique et l’amour.

L’art a vendu son âme à la communication, les artistes se sont faits marchands de tapis. La tentation n’est pas nouvelle, ce qui est nouveau, c’est qu’il est devenu normal et même souhaitable d’y succomber, voire de s’en vanter.

Il règne dès lors un confusionnisme qui autorise, quand il ne les encourage pas, toutes les dérives, toutes les esbroufes, toutes les arnaques, et dans lequel l’art a tout à perdre et le veau d’or tout à gagner.

Il est temps d’en finir avec l’ère stupide des provocations puériles et des déclarations fracassantes, et de se remettre au travail. L’art consiste à créer, rien de moins, rien de plus.

Et n’en déplaise aux artistes intellectuels de marché, sa plus haute vocation n’est pas l’exaltation de l’intelligence ni celle de la virtuosité, encore moins celle du marketing, c’est l’évocation et la contemplation du mystère de l’univers et de sa beauté.

AVENIR

C’est des trucs de vieux, l’avenir. Les jeunes ne voient pas plus loin que demain, le futur leur apparaît estompé dans la brume impalpable de leurs rêves dorés. Gare au jour où leurs anciens les forcent à s’inquiéter du lendemain : si la porte est fermée, ils l’enfonceront.

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