Nous vivons une époque désespérément morbide... Voire même mortifère… Vous croyez que j’en rajoute dans le pessimisme ? Vous vous trompez, et je vais vous en apporter la preuve…
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Avez-vous remarqué, en effet, à quel point les goûts de nos concitoyens les mieux intégrés, ceux que l'on nomme très justement les cadres moyens, flirtent de plus en plus intimement avec l’esthétique mortuaire ? Non ? Mais si, mais si… Regardez-y de plus près. Ne voyez vous pas que leurs jolis jardins deviennent de plus en plus « paysagers », comme les cimetières du même nom : allées de goudron noir, parterres de graviers blancs. Petits massifs minimalistes plantés savamment pour donner à l’ensemble un air tristement impersonnel de jardin public… Ne manquent plus que les tombes...
Et ces lourdes maisons qui fleurissent un peu partout, arborant crânement leurs façades de funérariums aux tons gris, noirs, bordeaux ou verdâtres… Sans parler des intérieurs aux mobiliers sans âmes, aux décorations standardisées tendance « M6 boutique », et aux lumières tamisées, qui offrent aux habitants un joyeux avant goût des chambres mortuaires qu’ils finiront bien par occuper pourtant, pour de vrai, un jour à venir… Berk !
Et les voitures ? Vous avez-vu leurs voitures ? De grosses bagnoles tristes, noires de préférence… Ca ne vous penser à rien ? A des corbillards, oui, c'est exactement ça… mais en plus sinistre encore, car les corbillards, au moins, sont fleuris…
Et vous osez continuer à me soutenir que quand toute une société commence à idéaliser l’ambiance « croquemort » il n’y a pas péril en la demeure ? Alors ça doit venir de moi...
Stéphane Beau
C'est pas la joie de vivre ce matin!
RépondreSupprimerTiens, ça me donne envie de réciter du Laforgue :
RépondreSupprimerComplainte de l’oubli des morts
Mesdames et Messieurs,
Vous dont la mère est morte,
C’est le bon fossoyeux
Qui gratte à votre porte.
Les morts
C’est sous terre ;
Ça n’en sort
Guère.
Vous fumez dans vos bocks,
Vous soldez quelque idylle,
Là-bas chante le coq,
Pauvres morts hors des villes !
Grand-papa se penchait,
Là, le doigt sur la tempe,
Sœur faisait du crochet,
Mère montait la lampe.
Les morts
C’est discret,
Ça dort
Trop au frais.
Vous avez bien dîné,
Comment va cette affaire ?
Ah ! les petits mort-nés
Ne se dorlotent guère !
Notez, d’un trait égal,
Au livre de la caisse,
Entre deux frais de bal :
Entretien tombe et messe.
C’est gai,
Cette vie ;
Hein, ma mie,
Ô gué ?
Mesdames et Messieurs,
Vous dont la sœur est morte,
Ouvrez au fossoyeux
Qui claque à votre porte ;
Si vous n’avez pitié,
Il viendra (sans rancune)
Vous tirer par les pieds,
Une nuit de grand lune !
Importun
Vent qui rage !
Les défunts ?
Ça voyage....
Le seul véritable état de sécurité est .. la mort.... Politique sécuritaire égale société de morts vivants.....
RépondreSupprimerPP
En voilà un billet de rentrée enlevé ! Sans compter le linceul de l'image, qui recouvre sur terre toute chose encore en vie.
RépondreSupprimerDu Laforgue, on s'en réciterait encore et encore : musique impaire, passe et double, musique comme un grelot. Bonne idée de placer ce retour et septembre sous les auspices de Laforgue.
Merci Roland, Laforgue est depuis bien longtemps "mon" poète de chevet. Ravi de savoir que nous avons ce goû en commun !
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